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Fondation Jean Jaurès

Isabelle MASSIN

Novembre 2021

A Sciences Po, issue d'une famille de droite de la bourgeoisie provinciale, j’ai découvert le PSU. J'y trouvais la synthèse de mes préoccupations de justice sociale, de liberté, de confiance dans la société à se réformer si on s'écoutait, expérimentait et décidait ensemble. J'ai approché ses représentants mais je ne me sentais pas à l’aise dans les grandes discussions et préférait les actions concrètes (sortie de jeunes femmes en « maisons de redressement », alphabétisation dans des bidonvilles...).

Parallèlement, je découvrais l'urbanisme au séminaire de Robert de Caumont sur Hérouville-Saint- Clair, ville nouvelle (de fait) même si elle n'en avait pas le statut, et au cours de J. Labasse sur l'aménagement du territoire. C'était une époque où on avait tendance à ignorer que ce n'est pas un bon urbanisme qui règle les problèmes sociaux, question qui reste très actuelle pour la politique de la ville...

Après une première expérience professionnelle à la Sonacotra, dans le département « aménagement urbain » chargé de la résorption des bidonvilles, et au groupe interministériel permanent pour la résorption de l'habitat insalubre, je suis arrivée à Cergy-Pontoise où mon mari venait d'être nommé à l'établissement public d'aménagement de ce qu'on appelait encore « la ville nouvelle » avec l’enthousiasme de ceux qu'on y appelait « les pionniers ». Les villes nouvelles étaient des creusets d'innovations, d'expérimentations dans le domaine architectural, culturel, d’animation sociale... Elles voulaient être une réponse au mal être des grands ensembles.

A la recherche d'un emploi à proximité, Philippe Guignot, que j’avais connu à la Sonacotra, nouvel adjoint à l'urbanisme de Conflans-Sainte-Honorine, proposa au nouveau maire de Conflans, Michel Rocard, élu en 1977 (après des années de gestion d'une équipe dont le slogan était « bien de chez nous, entre nous ») que je devienne sa directrice de cabinet. Il s'agissait de participer à la modernisation de la ville et de suivre la mise en place des projets novateurs voulus par la municipalité. Je participais aux réunions du bureau municipal, j'avais des relations quotidiennes avec les habitants, les associations, et j'étais présente à bon nombre d’entretiens où M. Rocard manifestait sa volonté de faire de Conflans le terroir de l'innovation sociale, de la participation des habitants, de la vie associative reconnue. L'exemple de Conflans donnait du sens à l'engagement politique. C’était les grandes idées ancrées et traduites sur le terrain. Conflans n'aurait pas été gagné par M. Rocard s'il n'y avait pas eu une équipe solide et unie d'anciens du PSU passés au PS, qui avaient labouré pendant des années le terrain avec des engagements très forts dans les associations de parents d’élèves, d'aide aux migrants. M. Rocard donnait de la hauteur de vue, ouvrait des portes, mais il agissait en s’appuyant sur des acteurs de terrain engagés depuis des années dans un parti, mais surtout dans la vie quotidienne des conflanais.

J'ai suivi M. Rocard à son cabinet de ministre du plan et de l'aménagement du territoire, mais n'y suis restée qu'un an comme cela avait été convenu dès le départ compte tenu de l'arrivée de mon premier enfant.

De manière tout à fait inattendue, la section très rocardienne de Cergy et les rocardiens du val d'Oise, comme Marie-France Lecuir, m'ont quasiment suppliée d'être candidate à la candidature au conseil général en 1982 pour contrer la fédération chevènementiste qui sous prétexte de vouloir réserver le canton à une femme empêchait le candidat prévu de longue date par la section de briguer la fonction. C'est donc un peu par hasard, mais parce que M. Rocard était ma référence que je suis entrée en politique...

En 1989, j'ai conduit la liste PS/PC/MRG pour la ville de Cergy. Notre liste, pour les membres du PS et de la société civile, était composée de militants très impliqués dans la vie associative locale. Nous avons gagné et fait gagner à la gauche l'agglomération de Cergy Pontoise. La ville et l'agglomération sont restés à gauche depuis. Nous avons beaucoup travaillé à la cohésion de la ville, à la participation des habitants, nous avons créé la première maison de la justice et du droit, un des premiers PLIE (plan local d'insertion par l'économie), soutenu la création d'associations innovantes, et participé avec l'agglomération et le département à la création de l'Université, outil majeur de l'accès à l'enseignement supérieur de jeunes de l'agglomération et du département issus de familles modestes.

Isabelle MASSIN

Directrice de cabinet de M. Rocard, maire de Conflans-Sainte-Honorine, Conseillère générale du Val d'Oise de 1982 à 1988, Maire de Cergy de 1989 à 1996, réélue en 1995, ayant démissionné en 1996 et remplacée par Dominique Lefebvre

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