Simon SUTOUR
Juillet-Août 2024
Militant pour le « socialisme vrai »
Lycéen engagé dans le mouvement de Mai 1968, j’avais été très marqué par le grand rassemblement du stade Charléty et la présence de Jacques Sauvageot, le leader étudiant, et de Pierre Mendès France, tous deux membres du PSU. Un an plus tard, je participai à la campagne présidentielle de Michel Rocard en créant dans mon lycée Alphonse Daudet à Nîmes, un Comité pour le Socialisme Vrai, et dans la foulée j’adhérai au PSU, j’avais alors 16 ans.
Le PSU nîmois était à l’époque dirigé par Jacques Compère-Roussey, qui était adjoint du maire communiste Émile Jourdan. Fils d’un ancien député du Gard et leader national de la SFIO, c’était une personnalité charismatique. Il me prit sous son aile et j’ai beaucoup milité et appris avec lui. Au congrès du PSU qui suivit, je votai la motion 6, celle présentée par Michel Rocard. Puis je signai le manifeste « Le socialisme pour aujourd’hui » de Gilles Martinet et rejoignis avec lui le Parti Socialiste en 1972. Sa personnalité m’a beaucoup marquée et je suis devenu un de ses proches : au Congrès de Pau, l’amendement Martinet avait fait 40% dans le Gard.
En 1974, à l’occasion des Assises du Socialisme, Michel Rocard et la minorité du PSU rejoignaient le Parti Socialiste. Quant à moi, après des études de droit, je commençais à travailler au Conseil Général du Gard avec Robert Gourdon, son Président. Celui-ci avait été opposé à la guerre d’Algérie et fut membre du PSA puis du PSU. C’était un homme d’une extrême rigueur et d’une grande honnêteté, il aimait beaucoup Michel Rocard, protestant comme lui, et l’invita à venir dans le Gard plusieurs fois. Ces moments furent magiques pour le jeune homme que j’étais et ont participé de la force de mes convictions.
J’ai eu aussi l’occasion de bien connaitre Georges Dayan, très proche ami de François Mitterrand, et qui fut député du Gard et maire de Caveirac avant de repartir en région parisienne. Il essaya avec insistance de me convaincre de rejoindre le courant Mitterrand mais mes convictions rocardiennes étaient inébranlables !
Personnellement ma carrière se poursuivait et je devins secrétaire général du Conseil Général, et, après la décentralisation, Directeur Général des services du département du Gard. Je pris part à la précampagne présidentielle de Michel Rocard en 1987, en organisant avec Jean-Claude Petitdemange une visite dans le Gard et en Lozère. Michel Rocard appréciait beaucoup les Cévennes, lieu de résistance des Camisards. Sa première épouse, Geneviève Poujol, était originaire de Vebron à côté de Florac. La photo qui illustre mon itinéraire a été prise à cette occasion.
Finalement, François Mitterrand fut réélu et Michel Rocard devint Premier Ministre. Nous étions tous très heureux. Puis arriva le terrible Congrès de Rennes. Nous prîmes la direction de la Fédération gardoise du PS. Je rentrais au Comité Directeur et participais au Conseil politique de Michel Rocard qui se réunissait chaque mois à Matignon. Ce fut pour moi l’occasion de nouvelles amitiés et de rencontres et débats particulièrement intéressants.
Ma vie personnelle prit une orientation nouvelle, quand début 1993, je devins le nouveau Directeur des Services de la ville d’Avignon à la demande de Guy Ravier, maire rocardien de cette belle ville. Ce furent des années riches, denses, exaltantes. Beaucoup de mes collaborateurs étaient de jeunes rocardiens, entre autres, François Blouvac et Christophe Castaner. Mais en 1995, Guy Ravier fut battu et je rejoignis la mairie de Nîmes que la gauche venait de remporter.
En 1998, j’étais élu sénateur du Gard. S’ouvrait alors pour moi une période de 22 ans avec des moments extraordinaires, notamment la conquête de la présidence du Sénat avec mon ami Jean Pierre Bel en 2011. Je devins alors Président de la commission des Affaires Européennes du Sénat. J’ai eu aussi la chance de côtoyer et d’échanger avec Robert Badinter pendant 13 ans, tant au groupe socialiste qu’à la commission des Lois. Michel Rocard venait de temps en temps au Sénat. Je me souviens d’une fois où Michèle André l’avait invité à déjeuner et m’avait proposé de passer au café. Michel devenait un peu sourd et parlait très fort. Il y eut des moments un peu gênants dans certaines de ses appréciations que toute la salle du restaurant du Sénat partageait en direct !
En 2020, je décidais de ne pas me représenter et depuis, je partage ma vie entre mes chères Cévennes et Nîmes. Michel Rocard aura été à l’origine de mon engagement en politique, plus fantassin que membre du premier cercle (même s’il me reconnaissait toujours), je l’ai suivi durant toutes ces années dans les bons comme les mauvais moments.
Simon SUTOUR
Ancien Sénateur du Gard