Discours au Congrès de Toulouse du Parti socialiste du 11 au 13 octobre 1985
Alain Bergounioux, Mai 2016
Le Congrès de Toulouse ne fut pas sans doute le plus important pour Michel Rocard – celui de Metz fut plus décisif- mais il a été celui où son courant a obtenu son meilleur résultat dans un congrès socialiste, sa motion totalisant 28,51 % des mandats. Il fut de la sorte celui où ses idées furent (ou parurent ?) les plus reconnues. Il y prononça deux discours. Le premier pour présenter sa motion, dans la première journée du congrès, trop long et trop entrecoupé d’apartés avec la tribune, n’a pas été jugé par Michel Rocard lui-même à la hauteur de son succès militant. C’est pour cela qu’il tint à prononcer, un deuxième discours, le dernier jour, après qu’une « synthèse » entre les motions ait été réalisée, pour résumer, de manière plus forte, ce qui lui paraissait être le sens de ce congrès pour son projet politique. C’est le texte qui est ici présenté.
Le contexte politique éclaire évidemment ce qui est dit. Le « tournant » de la rigueur du printemps 1983 – même si l’évolution était en cours depuis au moins une bonne année – en modifiant les priorités socialistes de 1981, a inévitablement entrainé un débat dans le parti socialiste et dans la gauche. L’idée, présentée initialement par Lionel Jospin, Premier secrétaire, qu’il ne s’agissait que d’une « parenthèse » n’était pas tenable. Ce fut Laurent Fabius, nouveau Premier ministre, depuis juillet 1984, qui prit l’initiative de proposer une redéfinition du socialisme. Il le fit en évoquant le diptyque de la « modernisation » et du « rassemblement ». L’Etat devait désormais, avant tout, créer les conditions de la croissance. Loin du congrès de Metz de 1979, cette vision entendait permettre un regroupement autour du Parti socialiste dépassant une union de la gauche défunte- le parti communiste ayant choisi l’opposition. Cette évolution allait plutôt dans le sens de Michel Rocard qui avait demandé une révision de la politique socialiste bien antérieurement. Ministre de l’Agriculture dans le gouvernement, Michel Rocard retrouva sa liberté de parole quand fut proposée et adoptée la réforme du mode de scrutin pour les élections législatives de mars 1986. Il refusa le passage à la proportionnelle intégrale départementale, qui ne pouvait que donner un groupe parlementaire au Front national, et offrit sa démission le 3 avril 1985. Il retrouva, ainsi, sa liberté de parole.
Dès lors, Michel Rocard reprit l’offensive politique, idéologiquement, pour capitaliser en quelque sorte, le combat qu’il avait mené depuis la fin des années 1970, stratégique aussi pour ne pas laisser à Laurent Fabius l’atout de la modernité et la prééminence politique dans la succession possible de François Mitterrand. Il prépara, dès lors, une motion pour le congrès de l’automne, qui se tint à Toulouse du 11 au 13 octobre. Il y tint à présenter une conception complète de ce que devait être désormais le socialisme, un système de régulation qui ne devait faire dépendre les évolutions de la société ni du seul marché, ni du seul Etat. Le but politique de deux discours – et singulièrement du second – était de montrer qu’il n’y avait plus, désormais, qu’un seul socialisme et qu’il était d’inspiration rocardienne… La suite montra que cela était plus compliqué… Mais, le discours de Toulouse présente une claire synthèse de la pensée de Michel Rocard au milieu des années 1980.
Alain Bergounioux