MichelRocard.org

> Recherche avancée

Fondation Jean Jaurès

Michel Rocard, le Rwanda et le génocide des Tutsi : un engagement révélé 3/3

6. Le sixième et dernier moment de la période rwandaise de Michel Rocard se centre en effet sur son audition devant la MIP. Celle-ci a été créée par les deux commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale[71]. Elle fait suite aux débats suscités dans l’opinion publique par la publication des articles du journaliste Patrick de Saint Exupéry dans Le Figaro. Le principe d’une commission d’enquête, aux pouvoirs d’investigation accrus, a été écarté pour des raisons qui n’ont jamais été parfaitement élucidées. Michel Rocard est entendu le 30 juin 1998, à 16h15, en salle Victor Hugo du 101 rue de l’Université, comme l’indique la lettre que lui a adressée Paul Quilès le 25 mai précédent[72].

Une tension, que relèvent des journalistes[73], entoure l’audition. Elle s’explique pour une double raison, structurelle et conjoncturelle. La première résulte de l’opposition historique entre les courants que structurent respectivement le Président de la République et l’ancien Premier ministre Michel Rocard. Après son départ de Matignon, ce dernier a subi une sévère défaite aux élections européennes en raison du surgissement de la liste MRG de Bernard Tapie à laquelle François Mitterrand apporta un soutien officieux. Un journaliste du journal Libération a témoigné en octobre 1994[74] de la solitude de Michel Rocard dans les couloirs du Parlement européen à Strasbourg, conséquence du rejet qui l’entoure. La défaite qu’il incarne a même accentué cet ostracisme, selon une loi tacite en politique qu’un homme ou une femme à terre ne doit pas être épargné.  

Proche de François Mitterrand (dont il a été à cinq reprises ministre, en particulier de la Défense et de l’Intérieur), Paul Quilès n’aborde pas nécessairement cette audition avec la plus grande bienveillance. Le député socialiste Bernard Cazeneuve, issu des rangs fabiusiens, est rapporteur au titre de la commission de la Défense. Le second rapporteur, cette fois au titre de la commission des Affaires étrangères, est Pierre Brana, un député socialiste de tendance « rocardienne ». Son travail, et la commission qu’il représente, n’occupent pas une place décisive au sein de la Mission d’information. Dans un courrier du 3 juillet 1998 à Jack Lang qui préside la commission des Affaires étrangères, il demande confirmation de la répartition des tâches au sein de la MIP celle-ci cantonnant « le rapporteur de la commission des Affaires étrangères […] à la région des Grands Lacs hors Rwanda »[75].

Une seconde donnée explique de toute évidence la tension qui entoure l’audition de Michel Rocard, à avoir la teneur de l’entretien donnée à la revue Passages dans lequel, comme on l’a vu, l’ancien Premier ministre est très sévère sur la politique rwandaise conduite par l’Elysée. Une note manuscrite de sa plume, du 15 juin, détaille une série de faits venant à l’appui de son approche divergente. Elle doit préparer l’audition devant la MIP :

Mission Quilès – 40 membres 20 en séance.

Bossent Quilès. Cazeneuve Rapporteur PS Cherbourg Fabius.

Brana Rapporteur pour Comm. AE.

(2 rapports ou 1 seul rapport cosigné).

François Lamy Essonne (ex […]).

A droite. Myard. Galy-Dejean

Ce qu’explique Védrine risque d’être majoritaire.

Vérité officielle = 1990. Une politique de coopération . Une agression extérieure vient de l’Ouganda.

90-93. Stabiliser le Rwanda, défendre ses frontières. Pousser à négociation. Arusha.

93. La France s’en va. On a rempli notre mission.

Ca masque la gestion directe de la relation Mitterrand Habyarimana.

Chaines de commandement non respectées.

-Questions à moi. Le PM vis-à-vis de l’Afrique.

-La nature du régime Habyarimana.

v. Dominique de Combles de Nayves.

La mission est invitée au Rwanda ?

Faut-il qu’elle y aille.

Des massacres il y en a toujours eu…[76]

Ce 30 juin suivant, le témoignage de Michel Rocard est entendu en même temps que celui d’Edith Cresson qui lui a succédé à Matignon, de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères de mai 1988 à mars 1993 (et à l’époque président du Conseil constitutionnel), enfin de celui d’Edwige Avice qui fut ministre de la Coopération et du Développement de mai 1991 à avril 1992. Alors d’autres personnalités de moindre importance sont entendues individuellement, la Mission d’information parlementaire opte pour un format collectif plutôt resserré compte tenu de la qualité des ministres et anciens ministres, et en fin de journée, limitant fatalement le temps d’échange. Michel Rocard ne peut en conséquence développer la seconde partie de son exposé.

 

Michel Rocard souhaite en effet ne pas seulement témoigner de sa connaissance des faits alors qu’il était chef du gouvernement mais également faire part de son analyse présente « en tant que président de la Commission du Développement et de la Coopération du Parlement européen […] amené à visiter le Rwanda », soucieux de « tenter d’y bâtir une politique européenne avec un regard rétrospectif[77] ». Il propose alors « de donner lecture d’une déposition qu’il avait rédigée ». Le président Quilès demande à l’ancien Premier ministre de « limiter, dans un premier temps, son exposé à la période de trois ans où il avait été Premier Ministre, et de réserver l’autre partie, qui ne relève pas du témoignage mais de l’analyse politique, à un échange ultérieur ».

Si Michel Rocard aspire à consacrer son temps d’audition à l’analyse présente de l’engagement français au Rwanda, c’est qu’au sujet de ses responsabilités de Premier ministre, il en a « pour vingt secondes », selon une journaliste de Libération présente à l’audition publique[78]. L’échange prend toutefois plus de temps, les parlementaires étant soucieux d’approfondir ce constat fait par Michel Rocard de l’absence complète d’autorité de Matignon sur la politique française au Rwanda. Cette mise à l’écart institutionnelle, Roland Dumas la conteste. Toutefois, lui-même comme les ministres de la Coopération sont intégrés au dispositif présidentiel de décision et d’exécution de la politique de la politique française au Rwanda. Bien que membres du gouvernement, ils rendent compte exclusivement au Président, ce que confirme le Rapport de la Commission de recherche[79]. Le résumé des débats proposé dans le volume annexe du rapport de la MIP expose l’état de la discussion sur la mise hors-jeu de Matignon. Ce point est introduit par Michel Rocard qui poursuit en direction du second volet de son témoignage. Il a, dès ses premiers mots à la MIP, « souligné que son approche de la question rwandaise était double [et] proposé de donner lecture d’une déposition qu’il avait rédigée » centrée sur ses projets présents pour le Rwanda.

Michel Rocard a alors souligné qu’il était tacitement admis que l’action diplomatique et militaire de la France en Afrique échappait au Premier Ministre, et que cette restriction de ses compétences faisait partie de règles dont le Président François Mitterrand n’était pas l’initiateur puisqu’elles lui étaient antérieures.

Il a indiqué que le Ministre de la Coopération de son gouvernement, M. Jacques Pelletier, n’aurait pu lui rendre compte de son action sans mettre en cause la confiance du Président de la République et a affirmé qu’il n’avait jamais entendu parler du Rwanda pendant la période où il était Premier Ministre et qu’il avait appris le lancement de l’opération Noroît par la presse.

Soulignant qu’il n’était ni juge, ni historien, ni journaliste, il a relevé que sa tâche, en visitant le Rwanda, sept ans après, n’était pas d’écrire l’histoire ni de porter jugement sur elle, mais de faire la politique européenne d’aujourd’hui, c’est-à-dire de porter des jugements de valeur sur les perceptions des faits, ce qui est un autre problème que celui de l’examen de moralité des décisions de la République française, à l’époque.

L’audition d’Edith Cresson vient en appui du constat de son prédécesseur[80]. Les travaux de la Commission de recherche confirment cette mise hors-jeu de Matignon dans la politique française au Rwanda. Elle s’explique par des rapports de force politiques et des pratiques institutionnelles, et non par la Constitution elle-même, la preuve en est qu’Edouard Balladur devenu Premier ministre obtient un partage de la décision avec le Président de la République. Il s’est appuyé pour ce faire sur l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». Roland Dumas conteste cette présentation de l’ancien Premier ministre, expliquant que les conseils des ministres et les conseils restreints de défense abordaient de telles questions comme celle de l’engagement français au Rwanda.

Il a présenté en quelques mots la situation de l’ensemble de l’Afrique en 1990 et les interventions que le ministère avait été amené à entreprendre au Rwanda sous sa direction, étant entendu que cette action avait été menée en parfaite coordination avec les Premiers Ministres successifs et les Ministres de la Coopération. […] M. Roland Dumas a appelé l’attention sur le fait qu’il a été très précisément dit au cours de ce conseil restreint et au cours du conseil des ministres, que la position de la France était de fournir au Rwanda les moyens de se défendre contre une agression étrangère, mais qu’en aucun cas, les forces françaises ne devaient intervenir dans ce combat. Il s’agissait, en effet, évidemment, d’une résistance à une agression étrangère, mais aussi d’un problème intérieur auquel la France n’avait pas à se mêler. Non seulement la France ne s’est pas livrée à une intervention militaire directe mais elle a recherché un rapprochement systématique en s’adressant aux deux parties et à ceux qui apparaissaient à l’horizon comme leur soutien. Cette action s’inspirait du discours prononcé quelques mois auparavant à La Baule, et visait à encourager le Rwanda à s’engager sur une voie démocratique, ce qui pouvait prendre plusieurs formes : premièrement, la mise en place d’un gouvernement de coalition, d’où la pression exercée sur le Président rwandais Habyarimana pour qu’il cède un peu de terrain, change de mentalité et accepte de constituer ce gouvernement ; deuxièmement, des élections et le retour de ceux qui aspiraient à rentrer.

En réponse, Michel Rocard persiste à estimer que Matignon n’était pas associé aux réunions des cellules de crise comme celles instituées après le déclenchement de l’offensive du FPR. Une note infrapaginale du rapport fait référence à un courrier adressé à la mission d’information par lequel Michel Rocard indique « que vérification faite après son audition, ni son conseiller sécurité ni son conseiller diplomatique ni son chef de cabinet militaire n’ont été conviés à ces réunions concernant le Rwanda[81] ». Des documents conservés dans le fonds privés montrent que Michel Rocard a recherché le témoignage de ses proches collaborateurs de Matignon pour confirmer cette mise à l’écart du Premier ministre. Son directeur de cabinet Jean-Paul Huchon n’a « jamais eu à connaître en quoi que ce soit du Rwanda », tandis que le chef de son cabinet militaire, le général Menu, n’a « aucun souvenir non plus[82] ».

« Sans vouloir polémiquer avec son ancien Premier Ministre », avance Roland Dumas, ce dernier se montre « un peu inquiet de constater que ce dernier n’écoutait pas beaucoup son Ministre des Affaires étrangères ». Michel Rocard suggère « que la réciproque avait pu être vraie » et propose « de laisser à la mission sa déposition écrite pour qu’elle soit étudiée ». Il poursuit son analyse des parties en présence dans le conflit, selon le compte rendu qui est fait par les services de l’Assemblée :

Il a récusé complètement la comparaison de la crise rwandaise avec celle du Tchad. Kadhafi était le chef d’un Etat étranger, dont les troupes n’étaient qu’étrangères alors que le Front patriotique rwandais était pour l’essentiel composé de Rwandais tutsis. Il a rappelé que Paul Kagame avait trois ans quand sa famille avait fui les persécutions anti-Tutsis. C’est pour cette raison qu’il était anglophone et qu’il avait fait toute sa carrière en Ouganda.

Au fur et à mesure que le régime Habyarimana se durcissait, un certain nombre de Hutus, dont l’actuel Président de la République rwandaise, Pasteur Bizimungu, rejoignaient le Front patriotique rwandais parce qu’ils estimaient nécessaire de le combattre. L’Ouganda était la base arrière du FPR. Il en avait fourni les cadres, les uniformes, les munitions et des soldats, mais on ne peut pas considérer que l’instrument de combat que constituait le FPR ait été aux mains d’une puissance étrangère.

Michel Rocard a estimé que la France s’était trompée de camp et qu’elle avait soutenu trop longtemps un régime qui devenait indigne. Mais elle était liée par un acte légal de solidarité, qui aurait nécessité beaucoup de solennité et d’effort de collecte d’informations pour être dénoncé à temps.

Michel Rocard récuse la thèse de l’agression extérieure subie par le Rwanda en octobre 1990 et conteste la politique d’alignement sur un régime, celui d’Habyarimana, caractérisé par une violence de haute intensité.

Il a fait un parallèle entre le Front patriotique rwandais qui a mis fin au génocide et peut être considéré comme une armée de libération venue de l’étranger, et la division Leclerc venue d’Angleterre. Il a estimé que sa lecture des événements le conduisait à penser qu’il s’agissait d’une guerre civile, dans laquelle une armée de libération était venue de l’extérieur, parce qu’elle ne pouvait pas se former à l’intérieur, et avait entrepris la reconquête du pouvoir avec l’appui d’un pays étranger selon un schéma très classique dans le monde contemporain.

Pour répondre avec précision à M. Jacques Myard, il a fait valoir que, sur le plan de la moralité, dès les années 1985-1990, le régime Habyarimana était devenu infiniment plus odieux que dans le passé, que le voulaient ses engagements internationaux et, en tout cas, que ce que souhaitaient pour leur avenir les Rwandais en train de créer le Front patriotique rwandais.

Il a convenu qu’il s’agissait d’une analyse politique et non d’un jugement sur le droit et l’honneur. Il a remercié M. Pierre Brana d’avoir précisé cette interprétation, soulignant qu’on était dans l’évaluation politique. L’idée que l’avenir de l’Afrique appartient à des pays plus démocratiques et plus respectueux des droits de l’homme et qu’il n’y a pas de développement sans démocratie, était déjà partagée par les adversaires d’Habyarimana. C’est en ce sens que la France s’est trompée de camp et c’est pour cette raison qu’elle se trouve dans une grande difficulté pour entretenir une relation sérieuse avec l’Afrique de l’Est solidaire de Paul Kagame.

Il est alors interrogé par le président de la MIP qui lui demande si, « avec le recul, il envisageait un seul instant que le Gouvernement français, le sien ou le suivant, aurait pu dans un pays d’Afrique comme le Rwanda défendre le FPR, c’est-à-dire un mouvement qui visait à abattre le régime au pouvoir ». Il est intéressant de souligner que Paul Quilès l’amène vers ce terrain, non du strict témoignage des faits étudiés mais d’une analyse présente sur le passé.

Michel Rocarda rappelé qu’un gouvernement se posait souvent la question de savoir s’il avait raison de soutenir un régime légal, à la moralité un peu incertaine sur le plan des droits de l’homme. Il a estimé que si, en 1990, il avait participé à la chaîne de décision et s’il avait eu l’information que, dès 1990, le régime d’Habyarimana était ce qu’il y avait de plus abominable parmi les pays avec lesquels la France coopérait, il se serait battu pour une autre orientation. Il a affirmé qu’il fallait néanmoins sauver nos ressortissants, ce qui était une autre affaire.

Le Président Paul Quilès a relevé que, même s’il s’agissait d’une autre affaire, il fallait commencer par là.

Michel Rocard a fait valoir que le Front patriotique rwandais n’avait jamais menacé les ressortissants européens.

Au terme de cette séquence, il n’est plus possible d’entendre Michel Rocard sur le second point qu’il a souhaité exposer. Le temps manque. Il quitte la salle des débats tout en laissant le texte écrit de sa déclaration, accompagné de documents sur l’extrémisme hutu de la période étudiée. Le compte rendu de l’audition atteste de sa volonté de remettre cet ensemble préparé à cette fin[83].

Compte tenu de la brièveté de son audition et de la qualité de l’ancien Premier ministre, on aurait pu imaginer ce que ce texte et ces documents figurent dans le volume annexe du rapport de la MIP rassemblant les documents sur le sujet. Cela n’a pas été le cas. Reste, pour en prendre connaissance, la possibilité d’accéder aux archives de la MIP. La Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi n’a pas été autorisée à en prendre connaissance par décision du bureau de l’Assemblée nationale[84], quand bien même sa lettre de mission signée du Président de la République nommait ce fonds parmi les principaux sur le sujet[85]. L’accès aux archives privées de Michel Rocard a permis de retrouver non seulement un texte dactylographié, version probablement remise au président Paul Quilès, mais également l’original manuscrit de la main de Michel Rocard. Cet ensemble est désormais accessible sur le site MichelRocard.org comme l’ensemble des documents cités et référencés dans cette étude.

 L’absence de publicité donnée à ce document pourtant remis en audition publique à une mission de la représentation nationale, et son indisponibilité à la connaissance historique jusqu’à sa découverte aux Archives nationales, auraient signifié la perte d’un savoir important. Intitulé « Déposition Rwanda », le texte détaille, après le constat établi en audition d’une absence complète d’autorité de Matignon sur le dossier, le voyage de Michel Rocard et le pouvoir qui a été le sien de « rassembler et confronter les perceptions, les jugements de valeurs, les informations tenues pour vraies même sans preuves, de toutes les parties en présence, gouvernement rwandais, porte-paroles importants de la société civile, Union Européenne, République Française pour essayer d’en faire émerger les lignes de forces d’une politique d’avenir[86] ». Il constate comme les parlementaires, que « bien des questions importants restent sans réponse », et il liste ces dernières :

Quel a été le rôle exact des « conseillers » militaires français de l’opération Noroît ?

Ont-ils ou n’ont-ils pas servi au feu contre le Front Patriotique Rwandais à l’automne 1990 ?

Les autorités rwandaises considèrent comme acquis que le chef du Front Patriotique Rwandais, le Général Fred Rwigyema, à leurs yeux le héros national constructeur de l’armée de libération, a été tué par un obus français tiré par des artilleurs français. Y a t il une certitude, une probabilité que ce soit vrai ?

Quand ont pris fin les dernières livraisons d’armes françaises à Habyarimana ?

Lorsqu’un des éléments de Turquoise en juin 1994, semble-t-il, s’installe dans une ancienne école près de Gikongoro à Murambi, à peine 15 jours après la fin des massacres, ses responsables savent-ils ou ne savent-ils pas que leur cantonnement est à 30 mètres à peine de l’extrémité de la plus grande fosse commune du Rwanda, d’où l’on a retiré ensuite 17 000 cadavres, dont beaucoup restent exposés dans le bâtiment de cette école, donc dans l’ancien, cantonnement de Turquoise ?

Le devoir d’un responsable politique est de rechercher des réponses, d’autant mieux lorsqu’il se trouve en situation de « coopération[87] » et qu’il se donne une méthodologie que Michel Rocard associe à la tâche qu’il connaît bien –comme ancien inspecteur des finances- du « contrôle comptable[88] ». Michel Rocard parvient ainsi à établir une série d’ « éléments essentiels » et de questionnements sur l’engagement de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 :

Puisque vous m’avez fait l’honneur de me convier à témoigner, je me sens le devoir d’essayer d’en dire un peu plus sur le jugement auquel je me suis arrêté dans cette affaire. Nous avons en commun, vous, mission d’information, et moi Président d’une commission parlementaire qui a entre autres charges celle d’élaborer et de proposer une politique pour l’avenir, de chercher la vérité. Mais s’agit-il de la même ? […] Les éléments essentiels sont connus. Les Présidents Valéry Giscard d’Estaing et Juvénal Habyarimana signent à l’occasion d’un safari en 1975 un accord d’assistance militaire, fort modeste au demeurant. La France est à l’époque signataire d’une bonne dizaine d’autres accords avec divers pays d’Afrique. On est dans l’air du temps. Le régime Habyarimana affiche déjà à l’époque une référence raciste marquée, mais s’il persécute, il tue encore peu. Et son pays paraît un havre de paix à côté de l’Ouganda voisin où gouverne l’abominable Idi Amin Dada. Dans ce climat les deux Présidents ont les pouvoirs et sont fondés à signer ce premier accord d’où pourtant tout va découler.

Dès à l’époque, divers militants d’ONG, divers experts, et quelques responsables politiques fermement anticolonialistes, catégorie à laquelle j’appartiens, mettaient résolument en cause cette politique africaine à base d’accords d’assistance militaire. Mais ce qui est en cause à l’époque est l’opportunité, l’analyse socio-politique, pas encore l’honneur.

En tout cas dans cet état des relations politiques et juridiques, le président Habyarimana est fondé, quand se produit l’offensive du FPR au Nord-Est, venant de l’Ouganda, en octobre 1990, à appeler la France à l’aide en s’adressant directement au Président de la République par l’intermédiaire de son conseiller spécial pour l’Afrique qui est son fils.

Je ne sais rien des conditions précises d’élaboration de la réponse française Car si l’appel d’Habyarimana est normal, la réponse elle ne va pas de soi. Je suis à l’époque Premier Ministre en débat budgétaire, la guerre du Golfe se prépare ostensiblement, la bataille de la CSG fait rage. Du Rwanda je n’entends pas parler.

A-t-on exécuté mécaniquement un engagement international signé sans se poser d’autres questions ? A-t-on fait une évaluation complète de la situation, je ne sais pas. Qu’était devenu le régime d’Habyarimana ? Quelle était la réalité de ce FPR ? S’est-on posé ces questions ? Tout cela est grave et je fonde les plus grands espoirs sur la lecture de votre futur rapport.

Toujours est-il que l’opération Noroît est décidée. Elle va concerner, ai-je lu dans la presse, plusieurs centaines de parachutistes. Je suis fondé à douter qu’il ait suffi de leur expertise et de leurs avis pour atteindre l’objectif militaire fixé, à savoir l’arrêt de l’offensive du Front Patriotique Rwandais et le passage d’une guerre de mouvement à une guerre de position. Le créateur du Front Patriotique Rwandais, le Général Fred Rwigyema, est tué à cette époque. Par qui, je ne sais, je l’ai dit déjà.

Notre aide militaire, en tout cas, continue jusqu’en 1994 à une date précise dont j’espère vivement que vous pourrez contribuer à l’établir.

Les autorités françaises en charge du dossier, cependant, commencent à sentir que la cause est d’une éthique incertaine. Nous nous associons donc à l’ONU, à l’OUA et à divers autres nations, dont les Etats-Unis, pour pousser à la tenue de la conférence d’Arusha en Tanzanie et à la signature de l’accord du 4 août 1993. Cet accord prévoyait non seulement la paix mais la mise en place d’un gouvernement d’Union Nationale. On sait que l’accord restera pratiquement lettre morte.

Sur le déroulement de la conférence j’ai entendu les deux versions, celle d’une France activement présente et poussant ardemment à la réconciliation, celle aussi d’une France distante et s’engageant peu dans les pourparlers. Des témoignages internationaux multiples seraient nécessaires ici pour savoir le vrai.

En tout cas il est avéré que le régime Habyarimana quand se tient la conférence d’Arusha , était déjà très engagé dans la voie de l’organisation sociale monoethnique persécutrice. C’est d’ailleurs dans cet esprit que Juvénal Habyarimana dira, peu après son retour à Kigali « les accords d’Arusha, c’est un chiffon de papier ». On m’a mentionné ce propos à deux ou trois reprises, je n’avais naturellement aucun moyen de le vérifier ni même de remonter aux sources directes.

Comme indication d’ambiance, il m’a semblé utile de vous ramener une copie du célèbre tract quadripage qui fut distribué par les services de police et de sécurité d’Habyarimana à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires sinon plus d’un million, à partir de décembre 1990. Je n’insiste guère, depuis le temps que vous travaillez, vous devez sûrement déjà avoir eu connaissance d’une copie de ce document. Il m’a fallu répéter plusieurs fois fermement là-bas, et je tiens à le refaire ici, que naturellement aucun homme politique ne saurait être tenu pour responsable de l’usage que l’on fait de ses photos. En revanche les 10 Commandements, publiés donc en décembre 1990, méritent méditation. Je n’ai pas osé demander que l’on me traduise officiellement la première page. Elle semble être une mise en cause des plus modérés des membres du gouvernement Habyarimana de l’époque, mais je ne saurais le certifier.

En tout cas à son retour d’Arusha, Habyarimana, contrairement à ce qu’il vient de signer, durcit son régime.

L’écho m’est parvenu, comme sans doute à vous tous, que c’est dès ce moment, fin août, que commencerait la préparation méthodique du génocide : premières listes de chefs d’escouades de tueurs, premières listes de cibles à abattre. Mes informations se limitent ici à des rumeurs. La seule chose à peu près certaine est que le génocide qui éclate le 6 avril 1994 est d’une efficacité technique suffisamment remarquable pour qu’il soit impossible d’imaginer qu’il n’y avait pas , derrière, une préparation longue et méticuleuse. Qu’en est-il en réalité, qu’en savait on à Paris, jusqu’à quel point les ambassadeurs présents à Kigali , et notamment celui de France, ont-il perçu ce qui se passait et prévenu ? Vous disposez, je crois, des dépêches. Et jusqu’ici personne d’autres que vous.

C’est en tout cas dans une ambiance extrêmement tendue que survient l’attentat qui le 6 avril 1994b abattit l’avion où se trouvaient ensemble les deux Présidents du Burundi, Cyprien Ntaryanira, et du Rwanda, Juvénal Habyarimana. Le dictionnaire encyclopédique d’Histoire de Mourre retient la thèse d’un tir par des extrémistes Hutus hostiles au traité d’Arusha et à toute politique de réconciliation. L’autre thèse , celle d’un tir du FPR paraît mieux assurée aujourd’hui. En tout cas cela est pris comme le signal de déclenchement du génocide.

La suite est connue elle aussi . Vous savez vos travaux très attendus pour percer quelques-uns des mystères qui subsistent sur cette période.

Jusqu’à quand exactement la France a-t-elle militairement aidé le régime devenu monstrueux d’Habyarimana et de son éphémère successeur ?

L’opération Turquoise est incontestablement un grand succès de logique militaire et d’obéissance parfaite aux ordres de l’autorité politique. Je crois nos officiers et nos troupes hors de tout reproche.

Mais à quelles difficultés internationales doit-on qu’elle se soit déployée si tard ?

Son objectif principal était de protéger là où on le pouvait les Tutsis en train de se faire massacrer, ou les Hutus que l’on croyait menacés d’un contre massacre par le FPR vainqueur à dominante Tutsie ? Il a en effet pris Kigali le 4 juillet 1994. Se doutait-on qu’au-delà de l’arrêt de tout massacre dans la zone Turquoise, l’opération permettrait à des dizaines de milliers de tueurs des FAR et des milices d’Habyarimana de s’échapper vers le Zaïre voisin ?

Dire le fait, dire le droit, et dire la morale au milieu de tout cet enchevêtrement d’atrocités ne vous sera pas facile. C’est pourtant absolument nécessaire, et je suis de ceux qui se félicitent de ce que vous l’ayez entrepris, à l’image du Parlement belge qui comme vous le savez a précédé le français dans cette voie.

Après cette évocation rapide et cependant non exhaustive divers éléments sur lesquels l’action de la France appelle jugement en droit et en éthique indépendamment des résultats obtenus, je voudrais pour finir en revenir à ce que j’appelais plus haut mon second angle de vue, celui qui correspondait à la mission que je m’étais donnée pour le compte de la commission que je préside au Parlement Européen, et bien entendu pour le compte de l’Union Européenne elle-même, premier bailleur de fonds de coopération au Rwanda, bien avant le second, la France. Quelle politique faire à l’avenir, et quelle leçons tirer du passé pour que la politique d’avenir se déroule sans entraves, blocages, rejets ?[89]

Dans une seconde partie, la « Déposition Rwanda » de Michel Rocard aborde l’avenir des relations entre la France et le Rwanda tel qu’il l’envisage sur la base de son voyage d’août 1997 au Rwanda. Mais il revient une nouvelle fois sur les faits et les choix pris par la France, ou du moins par François Mitterrand que Michel Rocard tient pour le principal voire l’exclusif décisionnaire en la matière. Il réexamine le conflit « hutu-tutsi » qu’il requalifie politiquement tandis qu’il revient sur l’état du pays au lendemain du génocide de 1994 :

Du point de vue de la légitimité, ou de la moralité internationale, on est en présence d’un régime oppresseur combattu par ceux qu’il persécute, les Tusis, accompagnés d’un nombre significatif de membres de sa propre ethnie, les Hutus qui désapprouvent ses méthodes.

Il n’est pas pour moi de politique qui ne repose d’abord sur des choix moraux. Dans cet enchevêtrement de violences, la cause la plus injuste me paraît celle d’Habyarimana, de son régime et de son idéologie des 10 Commandements. La cause la moins injuste me paraît être celle du Front Patriotique Rwandais.

Le régime Habyarimana va s’effondrer avec le génocide. Il faut noter qu’en se repliant les troupes des FAR vont beaucoup tuer et chercher à détruire jusqu’aux infrastructures du pays. C’est la politique de la terre brûlée. C’est ainsi que les six usines à thé que possédait le pays sont toutes les six dévastées. J’en ai visité une rapidement et superbement reconstruite par l’Union Européenne et divers bailleurs dont la France.

Le FPR vainqueur prend le pouvoir. Il a la sagesse de composer un gouvernement biethnique selon la composition fixée par l’accord d’Arusha de 1993, à la seule exception bien sûr des deux partis génocidaires, celui d’Habyarimana et un petit parti vassal. Les cinq autres sont représentés.

Sur le nombre des victimes du génocide les évaluations varient vous le savez de 500 000 à un million. Le nombre des Hutus refusant de participer au génocide et tués eux-mêmes de ce fait est lui aussi très incertain, entre un quart et un tiers du total peut-être. En tout cas cela s’arrête avec la victoire du FPR et la débandade des FAR.

Mais le pays est dévasté. Il y a eu des tueurs et des tués dans toutes les familles. Les envies et les tentations de vengeance sont partout. Dans son souci de maintenir l’ordre et de travailler à ce que justice soit rendue, le gouvernement a fait emprisonner un nombre considérable de suspects, beaucoup plus de cent mille sans doute. Mais dans ce pays dévasté, très pauvre, ravagé de haines, qui n’a aucune tradition démocratique, où l’armée ni la police n’ont reçu de formation suffisante et ne peuvent être régulièrement payées, les conditions de détention sont terribles. Les autorités sont peu capables d’empêcher les excès. Il y en a beaucoup

En outre quelques milliers de membres des ex FAR, génocidaires pour la plupart, sont revenus au Rwanda clandestinement et continuent à massacrer dans le double dessein de « finir le travail » c’est-à-dire le génocide et de déstabiliser le gouvernement qui les a vaincus. La riposte de ce gouvernement est sans pitié, et souvent excessive. Quelques-uns de ses ministres ont démissionné.

Il est bien clair qu’on ne saurait attendre du Rwanda d’aujourd’hui un strict respect des droits de l’homme correspondant à nos critères. Nous sommes dans le relatif. Il y a même dans les pressions qu’exerce la Communauté Internationale sur le Rwanda d’aujourd’hui pour condamner ses excès, après tout ce qu’il a vécu, une arrogance moralisatrice qui me met quelque peu mal à l’aise.

Enfin, Michel Rocard conclut sur l’importance du rapprochement avec le nouveau régime :

Le choix est franchement géopolitique. Je pense que nous avons eu tort de soutenir trop longtemps un régime indigne.

Je pense qu’il faut desserrer les contraintes économiques et politiques qui pèsent encore sur le Rwanda.

Je pense qu’un grande politique euro-africaine est possible, faite de partenariat économique et culturel, de complicité stratégique dans la gestion des crises et de coordination intelligente dans le traitement des affaires du monde. Une des conditions de cette politique est de notre part la reconnaissance que l’Afrique a vocation à s’unir, qu’il n’y faut plus cultiver les différences linguistiques et que par conséquent il nous faut arriver à dominer et à juger le passé pour établir avec toute l’Afrique de l’Est, et donc avec le Rwanda des relations efficacement confiantes. Et je formule le vif espoir que votre Commission y contribue largement. 

L’audition amputée de Michel Rocard n’a pas échappé à Libération qui délègue le spécialiste des questions militaires du journal, Jean-Dominique Merchet, pour interroger Michel Rocard. L’entretien est publié le 9 juillet suivant. Il y confirme comment l’ancien Premier ministre a été « totalement court-circuité » par l’Elysée et explicite les « vérifications » qu’il a conduites après son audition pour fonder ce constat sur des bases solides.

C'est par la presse que j'ai appris le lancement de l'opération « Noroit ». J'ai vérifié auprès de mon ancien directeur de cabinet, Jean-Paul Huchon, de mes deux conseillers diplomatiques, Philippe Petit et Jean-Maurice Ripert et de mon chef de cabinet militaire, le général Menu. Ils ne gardent aucun souvenir d'avoir alors été associé à des réunions sur l'intervention au Rwanda. En fait, c'était la règle tacite. Les affaires politiques et militaires africaines se traitaient directement à l'Elysée. Elles m'échappaient totalement. C'était le domaine du Président avec deux ou trois hommes autour de lui, dont son fils Jean-Christophe. Cette tradition, remontant aux débuts de la Ve République, était renforcée par la faiblesse de la confiance que Mitterrand me prêtait, mais elle était déjà bien établie.

Michel Rocard confirme également le conflit de loyauté qui s’est imposé à « son ami » le ministre de la Coopération Jacques Pelletier : « il n'aurait pu me rendre compte de son action sans mettre en cause la confiance que lui faisait le président de la République ». Enfin, l’ancien Premier ministre tire toutes les conséquences de cette domination très politique sur le dossier rwandais en dédouanant les forces armées de toute responsabilité particulière.

Au-delà d'éventuelles bavures toujours possibles, il est évident qu'ils n'ont fait qu'appliquer les décisions du pouvoir civil. Or, comme les politiques ne veulent pas assumer leurs responsabilités, on va retomber sur les soldats. Il ne faut pas jouer à cela. Il ne faut pas déshonorer l'armée pour le simple fait qu'elle a rempli les missions qui lui étaient confiées par le pouvoir. Ce n'est pas l'armée française qui est en cause.

Deux décennies après ce temps d’extrême tension politique et morale que les contemporains n’ont pas perçue mais qu’atteste l’importance des actes et des écrits de Michel Rocard sur le sujet, la publication le 26 mars 2021 du Rapport de la Commission de recherche a réveillé des plaies jamais refermées au sein de la gauche socialiste. Celles-ci n’avaient pas vocation à s’exprimer comme elles avaient disparu vingt ans plus tôt. La force du courant majoritaire devait agir comme à l’époque. Alors que la qualité du Rapport a été reconnue dans une large partie du spectre politique, d’anciens ministres et responsables socialistes s’indignèrent du travail des chercheurs au travers d’une tribune, « Rwanda : de quoi la France et François Mitterrand seraient-ils coupables ?[90] ». Les quatorze signataires rejettent vivement le Rapport de la Commission de recherche, qualifiant de « prétendues » les responsabilités accablantes auxquelles cette dernière aboutit dans ses conclusions. D’autres mise en cause sont prononcées publiquement. Contestant ce rejet des résultats de la recherche comme de ses méthodes, les membres de la Commission de recherche ont réagi publiquement à la tribune collective[91].

Rares mais éloquentes sont les voix socialistes dissidentes à se faire entendre à la sortie du Rapport de la Commission de recherche, celle de Pierre Brana, co-rapporteur de la MIP[92], celle de Jean-Michel Belorgey[93] qui, en tant que président de la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale était intervenu auprès de Roland Dumas par lettre le 27 novembre 1991[94], celle de l’ancien ministre de François Mitterrand Bernard Kouchner[95], ainsi que le député européen, tête de liste PS, Raphaël Glucksmann[96]. Le poids des structures mentales, politiques et même cognitives semble dominer, risquant d’interdire aux socialistes, à l’avenir, toute parole crédible sur l’histoire, comme si se répétait la situation de 1958 quand le général de Gaulle, choisissant la voie de l’indépendance algérienne, avait renvoyé à la SFIO à ses contradictions indépassables sur la France et la guerre d’Algérie.

Au terme de cette longue mais nécessaire étude, deux questions finales émergent.

L’affaire rwandaise ne fait-elle pas rejouer ce clivage central chez les socialistes, celui de la guerre d’Algérie (et au-delà, de la colonisation) qui révèle une opposition originelle Rocard-Mitterrand ? Ce clivage n’amène-t-il pas à s’interroger sur la relation à l’engagement éthique et à la critique de l’histoire. Ce n’est pas seulement le face-à-face de deux hommes qui l’incarne. Le Rapport de la Commission de recherche sur la France, le Rwanda et le génocide a révélé, documents à l’appui, l’opposition très ferme du ministre de la Défense Pierre Joxe et de son cabinet à la politique conduite par l’Elysée. Le rejet de cette dernière par la rue Saint-Dominique, siège du ministère, ne résultait pas seulement d’un problème d’institutions mettant la Défense hors-jeu dans ce dossier militaire. Pierre Joxe et François Nicoullaud, son directeur de cabinet, refusaient en même temps les pratiques d’Etat, au mieux irrégulières, au pire délétères, qu’entrainait cette situation institutionnelle. Près de dix ans plus tôt, Pierre Joxe s’était déjà affronté à l’Elysée, en témoigne l’affrontement très vif entre le Président François Mitterrand demandant à son Premier ministre Pierre Mauroy, en septembre 1982, de défendre un projet de loi en faveur de l’amnistie des généraux putschistes[97], et déjà Pierre Joxe (aidé d’Alain Richard et de Jean-Pierre Worms), au parti socialiste, s’y refusèrent absolument. Ces derniers furent finalement défaits.

Par ailleurs, la détermination avec laquelle, au sein des socialistes, furent menées contre Michel Rocard et les rocardiens des entreprises de marginalisation ne résulterait-elle pas de telles positions critiques formulées sur la politique que François Mitterrand décida et appliqua au Rwanda ? Cette hypothèse à ma connaissance n’a jamais été avancée, et elle renforcerait une différence de fond entre les deux hommes d’Etat au regard de la pensée sur l’histoire et du devoir de vérité. Au vu du dossier aujourd’hui présenté, il me semble légitime de s’interroger sur cette donnée historique que mettent en mouvement l’anticolonialisme d’une partie de la gauche et l’adhésion au projet colonial de l’autre.

Compte tenu des positions qu’à l’époque le Premier ministre (1988-1991), puis premier secrétaire du Parti socialiste (1993-1994) enfin député européen (1994-2009) a défendues sur des événements impliquant pour une large part des responsables socialistes à commencer par le Président de la République François Mitterrand, il est légitime d’élargir la réflexion sur Michel Rocard et le Rwanda à la question plus générale de la gauche devant l’histoire, de ses déchirements et de ses fidélités[98]. L’histoire des engagements de Michel Rocard nous y invite. Son opposition à la politique française au Rwanda et son refus des représailles que la France exerça sur le Rwanda dès le sommet franco-africain de Biarritz rappellent une précédente prise de position solennelle, cette fois contre la guerre d’Algérie et la part que les socialistes, dans le parti comme au gouvernement, prenaient à ce conflit colonial.

Dans ses analyses de la France au Rwanda et à travers les conclusions qu’il retient de cette politique, Michel Rocard retrouve des attitudes qui étaient les siennes face à la guerre d’Algérie et tout au long de son itinéraire socialiste, aussi bien le « parler vrai » et le courage d’agir que l’exigence du fond. Celle-ci se traduisait pour lui par l’élaboration de savoirs et la poursuite d’enquêtes. Se découvre aussi une relation critique à l’histoire et au socialisme, impliquant que le second se refuse à tout dogmatisme sur la première et fasse primer des valeurs morales, la liberté, la justice, la vérité, dans l’action. Pour le Rwanda, Michel Rocard applique ces principes comme le démontre le corpus des actes et des écrits qui a été rassemblés. Les pièces de ce corpus sont présentées sur le site MichelRocard.org à vocation documentaire. Tout public peut y accéder et mesurer la posture d’avant-garde que représentèrent, de 1993 à 1998, les actes et les écrits de Michel Rocard. Au terme de cette étude, le lecteur est libre de s’interroger sur la démarche qu’Emmanuel Macron et ses équipes ont conduit en direction des autorités du Rwanda, Paul Kagame, ses conseillers et son gouvernement le ministre des Affaires étrangères Vincent Biruta. Cette démarche, concrétisée par la visite du Président français à Kigali le 27 mai 2021 et le début d’une ère nouvelle entre les deux pays, est faite d’un mélange d’idéalisme et de pragmatisme que l’on retrouve dans la définition d’une politique que Michel Rocard imagina et tenta de mettre en œuvre près d’un demi-siècle plus tôt. L’événement retrouve le temps long de l’histoire.

L’histoire des historiens n’a pas vocation à réhabiliter des engagements ou des personnes. Mais si sa réception individuelle et collective peut y contribuer, l’historienne ou l’historien ne s’en irritera pas dès lors que ses recherches sont achevées et qu’elles sont demeurées étrangères à des préoccupations morales, même élevées. L’histoire des historiens ne s’écrit pas non plus pour amener des examens de conscience présents. Elle n’a qu’un but, l’exactitude des faits et la mesure des interprétations, en d’autres termes, la vérité historique. Elle ne peut accepter à cet égard les entreprises de déni et l’intimidation de ceux qui les conduisent. Mais si s’accomplissent des examens de conscience résultant d’une confrontation individuelle ou collective avec la vérité historienne, alors la recherche peut s’en féliciter. La manière dont l’engagement de Michel Rocard dans la question rwandaise a disparu de la connaissance publique et de la mémoire d’un parti interroge. Eveil de la conscience et réhabilitation présente se conjuguent alors.

Vincent Duclert, CESPRA EHESS-CNRS

[71] Voir son rapport sur le site de l’Assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp

[72] Paul Quilès, lettre à Michel Rocard, 25 mai 1998 (DOSSIER 13).

[73] DOSSIER 16.

[74] Voir le portrait que Jean Quatremer lui consacre depuis Strasbourg, citant de nombreuses personnalités : Bernard Stasi (PPE, démocrate-chrétien) se rappelle qu'en juillet, « il frôlait les murs. Personne ne s'intéressait à lui ». Un autre député centriste raconte : « c'est tragique, cette solitude ». « Dans l'avion de Paris, lors de la session de septembre, les socialistes le saluaient, mais personne ne s'est assis à côté de lui ». « Rocard, il me fait de la peine, de la vraie », dit Yves Verwaerde (PPE). Pierre Moscovici, qui se range parmi les amis de Rocard, juge que l'ambiance au sein de la délégation socialiste française peut difficilement être différente : « elle subit beaucoup le poids des clivages nationaux ». Et, de fait, « les amis de Michel sont rares ». En revanche, un « clan solide de fabiusiens, cultivant la fidélité à François Mitterrand » rend, selon Moscovici, l'atmosphère difficilement respirable. « N'oubliez pas que le meurtre rituel de Rocard est l'une des composantes importantes du mitterrandisme », ajoute-t-il. Un autre eurodéputé PS observe que « ses camarades ne font pas de cadeaux à l'ancien premier ministre. Ils lui font payer ses succès passés, son brillant ». (« Strasbourg, pot au noir de Rocard », Libération, 7 octobre 1994. Voir aussi, à la mort de Michel Rocard le 2 juillet 2016, le texte du Blog « Coulisses de Bruxelles » du même journaliste : « Michel Rocard, l'homme que les socialistes ont humilié », Libération.fr.

[75] Pierre Brana, lettre à Jack Lang, 3 juillet 1998 (Archives privées Pierre Brana. Voir en annexe de cette étude la note que Pierre Brana m’a adressée le 2 juin 2021 au sujet de cette répartition des tâches entre les deux rapporteurs). Au sujet du travail de la MIP tel qu’il a pu l’observer de sa place de co-rapporteur, Pierre Brana expose ceci, dans un article de 2014 : « tout ne lui a pas été dit lors des auditions. La Mission a parfois été confrontée à des témoignages contradictoires sans qu’elle ait disposé ni de temps ni de moyens pour démêler le vrai du faux. Aujourd’hui encore, vingt ans après le génocide, nombre de questions restent sans réponse et des points importants demeurent étrangement obscurs. Au-delà des faits, une interrogation de fond a fait débat en 1998 entre parlementaires : n’est-ce pas affaiblir la France au plan international que de reconnaître publiquement les fautes qu’elle a pu commettre ? A cette question – qui a un caractère permanent – ma réponse personnelle a toujours été non. Je crois qu’un pays se grandit quand il reconnaît ses fautes. Et que rechercher la vérité et la dire constitue une obligation pour le pays qui se veut celui des droits de l’homme. » (Pierre Brana, « Enquête sur les responsabilités de la France », L’Histoire, février 2014, p. 61).

[76] Michel Rocard, note manuscrite, 15 juin 1998 (DOSSIER 13).

[77] Compte rendu in extenso de l’audition des anciens Premiers ministres et ministres, recueilli par les soins de la Mission d’information parlementaire, 30 juin 1998, en ligne sur le site de l’Assemblée (DOSSIER 14).

[78] Propos cité par Marie-Laure Colson dans Libération (1er juillet 1998, DOSSIER 17). Cette remarque ne figure pas dans la restitution de l’entretien.

[79] Rapport de la Commission de recherche, La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, op. cit., p. 675-677.

[80] « Elle a souligné que, sous la Vème République, sauf, sans doute, pendant les périodes de cohabitation, la gestion des questions africaines relevait de relations directes entre la présidence de la République et les ministères des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Défense. Le chef du Gouvernement ne jouait généralement pas un rôle de premier plan en ce domaine, sauf si une situation présentait des éléments annonciateurs d’une crise grave nécessitant la mobilisation de l’ensemble des moyens publics. 

Elle a relevé que tel n’avait pas été spécifiquement le cas pour le Rwanda pendant son gouvernement. Au cours du sommet franco-africain de La Baule, en 1990, le Président de la République, François Mitterrand, avait ouvert la voie, de façon pragmatique, à un mouvement politique d’évolution vers la démocratie des pays africains francophones, dont le Rwanda. Par ailleurs, la volonté d’autres puissances, et notamment des Etats-Unis, de peser sur le destin de cette zone du monde est indéniable, même si l’influence américaine s’est surtout affirmée dans une période postérieure à 1992. » 

[81] Voir la correction portée manuscritement sur le tapuscrit adressé à Michel Rocard par la MIP (DOSSIER 13).

[82] « Par télé. 4 juillet 1998 » (DOSSIER 13). Récemment contacté par Jean-François Merle, le général Menu a tenu à préciser par écrit : « Bien évidemment je me souviens parfaitement de cette affaire. Michel Rocard, avec lequel j'avais gardé le contact après son départ de Matignon, m'avait appelé au sujet de Noroit sur mon portable dont je lui avais donné le numéro afin qu'il puisse me contacter à tout instant. C'était en juillet 1997 alors que j'avais quitté l'Armée de l'air depuis 1991 pour rejoindre l'Aérospatiale et à cette époque j'étais en vacances sur la Côte d'Azur. Je lui ai confirmé que je n'avais pas été informé de l'opération Noroit, sinon je me serais précipité dans son bureau pour le mettre au courant ! J'ai été très clair dans ma réponse en lui disant que les responsables étaient à l'Elysée et en particulier du côté du fils Mitterrand. » (27 avril 2021). Michel Rocard m'a contacté en juillet 1998 et non en 1997. Je lui ai aussi dit qu'il était scandaleux de chercher à faire porter la responsabilité des erreurs politiques sur notre Armée qui obéissait aux ordres donnés. J'ai oublié de préciser que s'agissant du Rwanda, c'est au retour d'un déplacement du Président Mitterrand dans ce pays, qu'on nous a transmis une demande du Président Habiyarimana qui "souhaitait" que la France remplace la vieille Caravelle qui avait été offerte à son pays par le Président Giscard. J'ai trouvé un Falcon 50 sur le marché de l'occasion, mais il a fallu fournir également un équipage français. C'est cet avion qui a été abattu en courte finale, tuant tous ceux qui étaient à bord dont Habyarimana avec les conséquences sur le génocide. Pour la petite histoire, je n'ai trouvé aucun ministère pour financer l'achat de cet avion et il a fallu utiliser les fonds secrets de Matignon... (2e message, 27 avril 2021).  

[83] « Il a communiqué le rapport de mission qu’il avait établi pour la Commission du Développement du Parlement européen, au retour de son voyage au Rwanda, au milieu du mois de septembre 1997 ainsi que la photocopie d’une pièce, les fameux "dix commandements du Hutu", publiés en décembre 1990 ainsi que le texte d’un projet de déclaration plus complet mais que le temps imparti ne lui permet pas de lire en entier. » (Mission d’information parlementaire, audition de Michel Rocard, 30 juin 1998).

[84] Voir les échanges de courriers entre la Commission de recherche et l’Assemblée nationale à ce sujet, annexés au terme de l’ « Exposé méthodologique » de la Commission de recherche, p. 65-70 (https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapports/fichiers_joints/279186_expose_methodologique.pdf).

[85] Cette lettre de mission figure en tête du Rapport de la Commission de recherche (https://www.vie-publique.fr/rapport/279186-rapport-duclert-la-france-le-rwanda-et-le-genocide-des-tutsi-1990-1994).

[86] Michel Rocard, « Déposition Rwanda » [30 juin 1998], p. 4-5 (DOSSIER 15 ET 15 BIS). 

[87] « Faire de la coopération, donc de la politique dans la région consiste à rencontrer des dirigeants qui, eux, considèrent tous que les réponses sont connues, les tiennent pour sûres, et en concluent à une responsabilités lourdes de la France. C’est vous qui m’en direz la mesure. » (ibid., p. 5).

[88] « Pour me faire bien comprendre, je me permettrai une analogie tirée de mon propre métier : la vérification du bon usage des deniers publics. Chacun sait que l’appréciation de ce bon usage doit être fait sous deux angles différents, celui du contrôle comptable et celui de l’évaluation. Il en va un peu de même en matière diplomatique et stratégique. L’équivalent du contrôle comptable, c’est l’examen de la rectitude des opérations : transparence et régularité des décisions, conformité des objectifs poursuivis et des moyens employés avec les principes généraux du droit et les prescriptions des textes en vigueur. L’équivalent de l’évaluation, c’est l’appréciation du résultat obtenu par rapport aux objectifs poursuivis comme par rapport à l’évolution générale de la situation dans la région ou le pays considéré. Ma propre approche s’est résolument située dans le deuxième angle de vue et aucunement dans le premier. De ce point de vue, qui est grosso modo celui de la légalité même s’il est un peu plus large […] » (ibid., p. 6).

[89] Ibid., p. 7-11.

[90] https://www.nouvelobs.com/monde/20210428.OBS43377/tribune-rwanda-de-quoi-la-france-et-francois-mitterrand-seraient-ils-coupables.html. Site de « L’Obs », 28 avril 2021. Signé de Paul Quilès, ancien ministre, président de la mission d’information parlementaire sur le Rwanda en 1998, Hubert Védrine, ancien ministre, secrétaire général de l’Elysée de 1992 à 1995, Jean-Louis Bianco, ancien ministre, Jean-Michel Boucheron, ancien président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, Laurent Cathala, ancien ministre, Jean Glavany, ancien ministre, Elisabeth Guigou, ancien ministre, Jacques Guyard, ancien ministre, Jack Lang, ancien ministre, André Laignel, ancien ministre, Louis Mermaz, ancien ministre, ancien président de l’Assemblée nationale, Henri Nallet, ancien ministre, Alain Richard, ancien ministre, Michel Vauzelle, ancien ministre.

[91] « La tribune d’un groupe d’anciens ministres ou de responsables socialistes des septennats de François Mitterrand, publiée par « l’Obs » le 28 avril, se félicite que la recherche qui nous a été demandée, en toute indépendance, par le président de la République, sur le rôle et l’engagement de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, aboutisse au constat que rien dans les archives consultées ne permet de démontrer que la France a eu la volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire dirigée contre la minorité tutsie. Pour autant, cette commission scientifique, à l’issue de ses travaux, a conclu unanimement sur des « responsabilités lourdes, accablantes » de la France dans le processus ayant conduit au génocide des Tutsis. Ce ne sont pas de « prétendues » responsabilités, comme l’écrit cette tribune. Les conclusions du rapport sont fondées sur la méthode de la recherche historique impliquant l’établissement des faits par des sources authentifiées et contextualisées. Elles résultent de l’exploitation systématique, par notre commission de chercheurs, historiens et juristes, des fonds d’archives publiques français. Ces derniers documentent précisément le rôle des partenaires de la France et des organisations internationales. Des centaines d’occurrences renvoient, dans le texte du rapport, à la Belgique, aux Etats-Unis, aux Nations unies, au Conseil de Sécurité, à la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar), aux Etats de la région des Grands Lacs, à l’Organisation de l’Unité africaine, etc Avant d’en appeler à une nouvelle commission d’historiens – peut-être parce que les vérités établies ne conviennent pas aux signataires de la tribune –, il conviendrait de lire en détail le rapport de la commission de recherche et son exposé méthodologique accessibles à tous sur le site vie-publique.fr.

Les membres de la Commission de recherche : Vincent Duclert, Catherine Bertho Lavenir, David Dominé-Cohn, Isabelle Ernot, Thomas Hochmann, Sylvie Humbert, Raymond H. Kevorkian, Erik Langlinay, Chantal Morelle, Guillaume Pollack, Etienne Rouannet, Françoise Thébaud, Sandrine Weil. » (https://www.nouvelobs.com/monde/20210430.OBS43507/tribune-la-commission-sur-le-rwanda-repond-aux-ministres-ps-il-y-a-bien-des-responsabilites-lourdes-accablantes-de-la-france.html).

[92] Pierre Brana, « Rwanda : “Sur la France et le génocide des Tutsi, bien des points restent encore à éclaircir” », Le Monde, 26 avril 2021 (https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/23/rwanda-sur-la-france-et-le-genocide-des-tutsi-bien-des-points-restent-encore-a-eclaircir_6077740_3232.html)

[93] Jean-Michel Belorgey, « Rapport Duclert sur le Rwanda : “Trente ans après le début du drame rwandais, un examen de conscience s’impose” », Le Monde, 5 mai 2021 (https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/05/rapport-duclert-sur-le-rwanda-trente-ans-apres-le-debut-du-drame-rwandais-un-examen-de-conscience-s-impose_6079152_3232.html).

[94] Sur l’intervention de Jean-Michel Belorgey en novembre 1991 et la réponse de Roland Dumas de février 1992, voir La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, op. cit., p. 949 et suiv.

[95] « Bernard Kouchner n'épargne pas Hubert Védrine :"Hubert Védrine, les gens de l'Elysée, le général Quesnot" (chef d'état-major particulier), le général Huchon (alors colonel et adjoint du général Quesnot), ont fait preuve d'une cécité absolue", considère-t-il. […]Pour lui, ce document "apporte un peu de vérité sur une immense faute politique" française pendant le génocide des Tutsi. "Mais c'est tellement tardif, plus de 26 ans après", regrette l'ancien ministre de la Santé et de l'Action humanitaire sous la présidence de François Mitterrand (1992-1993). Comme il l'avait déjà déclaré à la presse, Bernard Kouchner, qui s'est rendu au Rwanda pendant le génocide, assure avoir "appelé deux fois le président François Mitterrand pour le prévenir": "il m'a écouté et m'a dit : vous exagérez". » (relevé par TV5 Monde le 27 mars 2021 : https://information.tv5monde.com/info/rapport-sur-le-genocide-des-tutsi-les-reactions-de-la-classe-politique-francaise-402305).

[96] Raphaël Glucksmann, Lettre au Président de la République, Libération, 26 mai 2021 (https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/raphael-glucksmann-monsieur-le-president-grandissez-nous-demain-a-kigali-20210526_QAXZ3SQ5QBAC3OLZPECXV2EVSA/)

[97] Le 29 septembre 1982, le Premier ministre Pierre Mauroy présente au Conseil des ministres un projet de loi « relatif au règlement de certaines conséquences des événements d’Afrique du Nord ». Ce dernier fait suite à une déclaration de François Mitterrand : « Il appartient à la nation, au bout de vingt ans, de pardonner. »

[98] Vincent Duclert, La gauche devant l’histoire. A la reconquête d’une conscience politique, Paris, Le Seuil, 2009.

Partager sur