Michel Rocard et les congrès du Parti socialiste
Une rétrospective par Alain Bergounioux
Dans l'histoire du socialisme, les congrès sont des moments clefs de la vie militante par les débats qu’ils entraînent. Cela n'est pas le cas dans tous les courants politiques : il n'y a qu'à penser au communisme ou au gaullisme – dans leurs grandes périodes, tout au moins – sans même parler des « partis personnels » d'aujourd'hui, où les congrès sont principalement un moyen de rassemblement, codifié préalablement, pour affirmer la puissance du mouvement. Dans la tradition socialiste, les congrès ont évidemment cette fonction de manifestation, mais ils sont, avant tout, le lieu de la souveraineté politique, dans la mesure où ils décident d'une orientation politique et élisent une direction. Ils ont donc un enjeu politique, qui apparaît fortement dans les moments de crise, mais qui existe toujours, même dans les congrès de « transition », qu'il soit explicite ou non. Le socialisme français y ajoute une caractéristique importante, qui ne le différencie pas de la nature des autres partis socialistes, sociaux-démocrates ou travaillistes, mais qui en accuse les traits. De par son histoire, en effet, le socialisme français a toujours été une nébuleuse de courants idéologiques, de personnalités politiques, de spécificités régionales même, dont l'unité ne cesse d'être problématique, et qui, en tout cas, demande, de la part de ses dirigeants, un constant effort de rassemblement, de « synthèse » (le mot est lâché...) que Jean Jaurès a illustré au plus haut point dans la jeunesse du Parti socialiste. C'est ce qui est principalement demandé à un dirigeant, le secrétaire général, le secrétaire national ou le Premier secrétaire selon ses titres. Un autre fait, général celui-là, qui résulte des transformations du système de l'information, avec la médiatisation à outrance, s'est particulièrement affirmé dans les années 1970 et doit être pris en considération. Les congrès ne sont plus, désormais, seulement tournés vers les préoccupations internes des partis, mais tout autant vers l'opinion, et deviennent ainsi des instruments de communication, qui amènent les différents courants et leurs dirigeants à s'adresser simultanément aux militants et aux électeurs et cela d'autant plus que le parti a une place majeure dans la vie politique, ce qui était le cas pour le Parti socialiste.
Il faut avoir présent à l'esprit ces considérations pour mieux saisir quel fut le rôle de Michel Rocard dans les congrès socialistes durant les deux décennies, entre 1974 et 1994, où il a été un acteur majeur. Il aurait dit, après les Assises du Socialisme, à l'automne 1974, qui virent son entrée dans le Parti socialiste, refondé au congrès d'Épinay en juin 1971 : « Je reviens chez moi ! ». En effet, adhérent de la SFIO depuis 1949, il avait connu les congrès de ce parti, puis ceux du Parti socialiste autonome et du Parti socialiste unifié, avec leurs logiques et leurs difficultés. Mais le Parti socialiste où il arrivait en 1974, après des élections présidentielles manquées d'un souffle, était un parti constitué, en position de force dans la vie politique, avec un Premier secrétaire, François Mitterrand, qui avait une majorité politique derrière lui, fort d'une légitimité présidentielle au vrai, depuis 1965, et qui en était le « candidat naturel ». C'est le sens de la phrase qu'il aurait dite à Gilles Martinet, qui la rapporte dans ses mémoires : « Ne vous y trompez pas, Martinet, le parti n’est pas à prendre, il est déjà pris ! ». L'« ancien » et le « nouveau » socialiste Michel Rocard a donc dû s’adapter... Et avec le recul, il est intéressant de voir que dans tous ces congrès, une dizaine au total, il a oscillé entre deux grandes attitudes : un certain effacement ou une forte affirmation. Cela a évidemment dépendu des contextes politiques et de la force qui était la sienne dans ces moments.
Entre effacement et affirmation
Faute d'avoir pu amener avec lui une majorité des militants du PSU dans les Assises du Socialisme, Michel Rocard n'avait pas obtenu une adhésion collective dans le Parti socialiste. Il avait également pu mesurer, dans la préparation des Assises et leur déroulement, la franche hostilité du CERES de Jean-Pierre Chevènement, qui ne voulait pas d'une « autre gauche » dans le parti, les préventions anciennes de Jean Poperen, les méfiances d'une partie des mitterrandistes. Aussi décida-t-il de se faire « accepter » en se fondant dans la majorité derrière François Mitterrand, en espérant que ses idées exerceraient peu à peu une influence comme « le sel dans la mer » ... Il ne déposa donc pas de motion propre au congrès de Pau en janvier 1975. Ses amis, cependant, accueillis souvent avec suspicion dans les fédérations, voulurent malgré tout faire apparaître leur force en déposant un amendement à la motion majoritaire, qui obtint près de 18% des voix. Cette ambiguïté ne pesa pas, cependant, dans un congrès où le clivage principal se fit entre la majorité et le CERES, qui défendait une conception plus exigeante de l'Union de la gauche. Ce fut la position par trop congrue qui était faite à Michel Rocard et à ses amis dans la direction du PS – il dut attendre la fin de l'année 1975 pour être intégré au secrétariat national, et encore, dans une responsabilité secondaire – qui amena de sa part un changement de stratégie, au fur et à mesure que croissait, par ailleurs, sa popularité dans les sondages d'opinion. Aussi, pour le congrès de Nantes du printemps 1977, il choisit de porter une affirmation idéologique forte pour incarner une voie propre à gauche. Il ne le fit pas par une motion propre – il voulait demeurer dans la majorité alors que le CERES, dans la minorité, regroupait le quart des votes – mais dans un discours fort, dit des « deux cultures », qui retint l'attention des socialistes et de la presse. Il y opposait une première culture « jacobine, centralisatrice, étatique, nationaliste et protectionniste » à une seconde culture « décentralisatrice, régionaliste, refusant les dominations arbitraires, celles du patronat comme de l'État, libératrice (...) qui se méfie des règlements et de l'administration et préfère l'autonomie des collectivités de base ». Michel Rocard dira par la suite qu'il avait sans doute fait dans ce discours une erreur politique en durcissant par trop les traits de ces deux cultures et en prenant le risque pour lui-même de s'identifier à une position minoritaire.
Mais les conséquences de la rupture de l'Union de la gauche, en septembre 1977, et surtout la perte des élections législatives du printemps 1978 (« pays à gauche, vote à droite », disaient des politologues) ouvrirent une nouvelle phase politique où les différences parmi les socialistes, se transformèrent en oppositions. Michel Rocard n'hésita plus à se présenter en « recours » pour surmonter « la fatalité de l'échec » à gauche. Un affrontement parut dès lors inévitable en vue de la tenue du prochain congrès, prévu à Metz pour avril 1979. Celui-ci revêtit une triple dimension : une dimension idéologique d'abord, sur la conception du socialisme, une dimension stratégique ensuite, sur la nature désormais de l’Union de la gauche, et une dimension inévitablement personnelle, dans le face-à-face entre François Mitterrand et Michel Rocard pour la prochaine élection présidentielle. Ce furent ces trois enjeux qui se retrouvèrent dans le congrès même. Seulement, les jeux furent faits avant son entrée. Michel Rocard avait certes obtenu l'appui de Pierre Mauroy, qui entendait surtout rééquilibrer le rapport de force avec les mitterrandistes sans rompre avec François Mitterrand lui-même, mais sa motion ne regroupa qu'un peu plus de 20 % des voix, celle de Pierre Mauroy n’obtenant que le score décevant de 13,6 % des voix. Face aux 40 % du Premier secrétaire, qui pouvait d'emblée compter sur les 5 % du texte de Gaston Defferre et sur le renfort des 14 % du CERES, qui faisait de « la gauche américaine » sa cible principale, Michel Rocard était battu. Dans ses deux interventions dans le congrès, il reprit tous ses thèmes de prédilection, le sérieux économique, la nouvelle donne internationale, une organisation différente des pouvoirs, la place de l'expérimentation sociale, une nouvelle approche d'une « Union ses forces populaires » ... Mais la majorité était fixée. Son engagement, à la surprise de ses amis, de pas être candidat à l'élection présidentielle si François Mitterrand l'était rendit explicite que le congrès avait été comme une sorte de « primaire » pour la candidature. La tentation de Michel Rocard, malgré tout, de jouer sur l'opinion, où sa position demeurait haute, pour faire une déclaration de candidature à l'automne 1980 ne changea pas les rapports de force dans le parti, auquel il reconnut la légitimité première quand François Mitterrand annonça la sienne. Il estima devoir se retirer, sans tenter une épreuve de force comme certains autour de lui y étaient enclins.
Le contexte du parti au gouvernement
La victoire de mai 1981 plaça inévitablement Michel Rocard dans une position encore plus contrainte, avec un Président de la République dominant le jeu politique, dans un parti désormais au pouvoir. Le congrès de Valence, en octobre 1981, dans l'exaltation des réformes qui se succédaient à un rythme rapide, ne pouvait qu'être saisi d'une motion unanime. Ce fut plutôt le ton des débats qui retint l'attention, avec des accents de « revanche », dont le plus connu est celui de Paul Quilès, avec sa référence au Thermidor révolutionnaire... Michel Rocard y parla dans un silence glacial. Surtout, ce congrès fut pour lui celui de l'humiliation, dans la mesure où la direction du parti, maintenant incarnée par Lionel Jospin, pour lui faire sentir le poids de la défaite de Metz, imposa au courant rocardien une réduction arbitraire de sa représentation dans toutes les instances du parti, en la faisant passer de 21 % à 15 %. Ce qui amena Michel Rocard à dénoncer un « putsch cynique » et une « honte historique » ! Ce fut, encore une fois, le changement des conditions politiques qui modifièrent sa position. La modification des priorités socialistes avec le « tournant de la rigueur » du printemps 1983, conclusion d'évolutions commencées à l'été de l'année précédente, justifia a posteriori les analyses de Michel Rocard, qui – sans que cela fût une coïncidence – quitta son placard pas si « doré » que cela du ministère du Plan pour celui de l'Agriculture en mars. L'opposition au nouveau cours politique était redevenue celle de Jean Pierre Chevènement et du CERES.
Aussi Michel Rocard décida, logiquement, de soutenir la nouvelle politique gouvernementale, pour retrouver toute sa place dans la majorité du parti. Il s’associa donc à la motion présentée par Lionel Jospin au congrès de Bourg-en-Bresse à l'automne 1983, même si elle ne voulait pas tirer les conclusions des choix faits par François Mitterrand en ne voulant y voir qu'une « parenthèse ». Il s'efforça pour sa part dans les débats du congrès d'élargir la notion de « compromis » pour en faire une méthode pour le changement social. Il ne put cependant empêcher une fraction du courant rocardien, derrière Alain Richard et Marie-Noëlle Lienemann, de ne pas vouloir en rester là, pour mettre en avant ce qui devrait être un « bon usage de la rigueur » dans une motion propre qui recueillit malgré tout un peu plus de 5 % des voix. Mais par là même, ils ont offert à Lionel Jospin la possibilité de se placer en position centrale, entre le CERES et une « droite moderniste » - ce qui permettait de maintenir les suspicions vis-à-vis des rocardiens...
Mais ce congrès, en demi-teinte, fut vite oublié. Car l'année 1984 plaça les socialistes devant la nécessité d'avoir un débat plus approfondi. Le renoncement au « service public unifié et laïque de l'Éducation nationale », en juin, le départ des ministres communistes, lors de la formation du gouvernement de Laurent Fabius, en juillet, l'impératif européen, avec la perspective d'un marché unique, en proposant les lignes d'un socialisme qui « rassemble » et « modernise », autant de faits qui achevaient de caractériser l'entrée dans une nouvelle période. Le « jeune » Premier ministre en tira rapidement les conséquences. Il apparut impossible à Michel Rocard de demeurer dans une forme de neutralité. En démissionnant du ministère de l’Agriculture en avril 1985 pour marquer son désaccord avec l'établissement d'un mode de scrutin à la proportionnelle, qui amenait inévitablement l'élection de députés du Front National, il retrouvait une liberté pour s'imposer dans le nouveau cours politique. Dès lors, le congrès prévu à Toulouse à l'automne 1985 revêtait une importance réelle. Il allait être à nouveau un congrès d'affirmation. Et cette fois avec un réel succès, puisque le courant rocardien obtint le plus important résultat de son histoire, sa motion recueillant 28,8 % des votes militants. Michel Rocard put y proposer un socialisme qui ne changeait pas « d'objectifs, mais de méthode », l'État exerçant principalement une fonction de régulation, veillant à l'efficacité de la production, à l'organisation du dialogue social, étant donné que l'équité, dans la société, pouvait être atteinte à travers une multiplicité de comportements quotidiens plus que par la seule action administrative. La proximité des élections législatives favorisa une synthèse générale, dans laquelle Michel Rocard voulut voir « un évènement culturel de grande importance ». Cependant la cohabitation qui suivit la coute défaite des socialistes amena un regain de popularité pour François Mitterrand, qui transforma sa présidence en un « pouvoir tribunicien » face au Premier Ministre Jacques Chirac et à une droite saisie alors par une tentation néo-libérale. Le congrès suivant, à Lille en avril 1987, ne put que voir les socialistes serrer les rangs, avec une motion unique derrière, en fait, le Président « combattant », qui plus est à une année de l'élection présidentielle. Michel Rocard, qualifié de « candidat naturel » par le Premier secrétaire, Pierre Mauroy, ne put être qu’un candidat en pointillé, François Mitterrand menant le jeu jusqu'à l'annonce de sa propre candidature.
Les congrès du deuxième septennat
Les trois congrès qui jalonnèrent la période de 1988 à 1994, particulièrement intense pour Michel Rocard, furent comme les précédents plus que contrastés. Premier ministre depuis mai 1988, ce fut, dans cette fonction qu'il traversa le congrès de Rennes en avril 1990. Celui-ci fut dominé par l'éclatement fratricide du courant mitterrandiste, entre Lionel Jospin et Laurent Fabius, déjà perceptible depuis 1986, mais rendu implacable par la perspective de la succession de François Mitterrand. Sept motions se mesurèrent, traduisant ainsi la fragmentation du Parti socialiste. Les textes arrivés en tête étaient bord à bord : 28,95 % pour celui de Lionel Jospin, 28,84 % pour celui de Laurent Fabius, et 24,2 % pour les rocardiens, qui avaient peu perdu depuis Toulouse. Averti par François Mitterrand de ne pas entrer directement dans le conflit, Michel Rocard fit un discours de compte rendu d'action ministérielle et passa le congrès dans sa chambre d'hôtel, non sans être tenu informé des péripéties nombreuses qui avaient lieu... Mais ses amis, dans le congrès, de manière (trop ?) visible, ont œuvré à une alliance avec le courant Jospin-Mauroy, qui aurait isolé Laurent Fabius. Mais celle-ci ne se fit finalement pas, laissant le congrès se terminer sur une crise ouverte. Il fallut attendre deux jours pour que, sur la pression du Président, une synthèse – artificielle – fut trouvée à Paris. Cet épisode ne compta pas pour rien dans la décision de François Mitterrand de se séparer de Michel Rocard, et si la première guerre du Golfe n'avait pas éclaté à l'été, sa démission contrainte serait sans doute intervenue dès l'automne, et non en mai 1991.
Atteint dans son désir de poursuivre son action ministérielle, Michel Rocard n'en sortait pas moins de Matignon avec une popularité notable et des forces réelles dans le Parti socialiste, pouvant compter sur tout un réseau d'élus et de militants. Dans un premier temps, après le départ de Pierre Mauroy du poste de Premier secrétaire, soucieux de l'unité, bien mise à mal, du parti, Michel Rocard tenta un « accommodement » avec Laurent Fabius, son successeur, se contentant en quelque sorte de gérer sa position de nouveau « candidat naturel ». Il ne fut donc pas au centre du congrès de Bordeaux en juillet 1992. Celui-ci fut surtout marqué par l'émoi provoqué par la mise en examen du trésorier national, Henri Emmanuelli, au nom des socialistes, pour leur financement, et par la quasi-sécession de Jean-Pierre Chevènement et de son courant, désormais intitulé « Socialisme et République », profondément en désaccord avec la signature du Traité de Maastricht. Cette « prudence » de Michel Rocard ne put pas se maintenir devant l'affaiblissement politique des socialistes et l'approche de difficiles élections législatives de mars 1993. Remettant en cause les frontières politiques, en amont, Michel Rocard lança un appel à un « big bang » pour regrouper dans un parti nouveau, « ouvert et moderne » les socialistes, les écologistes, des communistes, des centristes, qui accepteraient d'entrer dans un projet réformateur commun. Mais cela n'eut pas d'effet. Et le député de Conflans-Sainte-Honorine fut battu dans sa propre circonscription. Après la grave défaite législative des socialistes, Michel Rocard, malgré des hésitations, mais sans doute désireux de retrouver rapidement une pleine légitimité politique, dans un Comité Directeur qui vit la mise en minorité de Laurent Fabius et des affrontements durs, prit finalement la tête d'une coalition hétéroclite, où se mêlaient rocardiens, mauroyistes, jospiniens et même l'extrême-gauche socialiste (avec Jean Luc Mélenchon…). Le président d'une « direction provisoire » contestée s'attela néanmoins à une reconstruction du parti. Ses initiatives, particulièrement la tenue d'États généraux du socialisme, à Lyon en juillet 1993, pour « purger » la défaite électorale, ou la mise en route des « Assises de la transformation sociale » pour renouer les liens dans une gauche dispersée, furent pertinentes. Tel fut si bien qu'au congrès tenu au Bourget en octobre 1993, son travail parut être reconnu : dans un parti apaisé, il fut élu par les délégués du congrès, et non plus par le seul Comité directeur, Premier secrétaire avec 80 % des votes. Ce redressement se confirma avec la bonne tenue des élections cantonales du printemps 1994. Mais tout fut remis en cause par l'échec de la liste qu'il avait voulu conduire aux élections européennes (toujours sans doute pour conforter sa légitimité pour une candidature présidentielle), où il n'obtint que 14,40 % des voix, talonné par la liste de Bernard Tapie, encouragée en sous main par François Mitterrand, qui n'avait jamais accepté la « prise » de « son » parti par son rival. Michel Rocard fut lui-même mis en minorité au Comité Directeur qui suivit, le courant jospinien l'abandonnant en grande partie. Le sort a voulu que le congrès du Bourget, où il avait été élu Premier secrétaire – une consécration pour le militant qu'il avait toujours été – fut aussi le dernier congrès auquel il assista.
Le parcours de Michel Rocard dans les congrès du Parti socialiste n'a donc rien d'une histoire linéaire. Elle a même été particulièrement heurtée selon, bien sûr, les différents contextes politiques et les choix tactiques, eux-mêmes pas toujours en phase avec son propre courant... Un paradoxe s'ajoute à ce constat. Michel Rocard a appartenu à une génération pour laquelle les partis sont essentiels pour l'expression de la vie démocratique. En même temps, il a mené pour l'essentiel son action dans le contexte de la Ve République, qui amène nécessairement la personnalisation politique et, dans des années de médiatisation croissante, qui change les termes de la vie des congrès, qui ne peuvent plus être tournés exclusivement vers la réalité partisane. Michel Rocard l'a éprouvé fortement. Ses succès ont été partiellement permis par la place qu'il a su conquérir dans l'opinion. Il s'est ainsi inscrit entre deux âges de la vie politique, en tentant de concilier, non sans difficultés, les logiques de parti et les logiques d'opinion, qui n'obéissent pas aux mêmes lois.
Alain BERGOUNIOUX