Quand Michel Rocard prenait fait et cause pour le caporal Vincent Moulia, héros de la Grande Guerre
Jean-François Merle, Novembre 2018
Vincent Moulia, né en 1888 dans les Landes, est mobilisé en 1914 au 18ème régiment d’infanterie. Blessé à deux reprises, il reçoit la croix de guerre en 1916 à Verdun et est promu caporal.
Début mai 1917, il prend part aux combats pour la prise de Craonne, au chemin des Dames. Vingt officiers et plus de 800 hommes du 18ème RI sont tués dans cet assaut. Vincent Moulia est proposé pour une citation. Fin mai, alors que le régiment était au repos, l’annonce qu’il doit remonter au front provoque des soulèvements.
Douze soldats sont traduits en conseil de guerre, qui prononce cinq condamnations à mort, dont celle de Vincent Moulia. Mais celui-ci parvient à s’évader et à regagner son village des Landes, où il se cache pendant quelques mois avant de gagner l’Espagne.
La guerre civile espagnole le rattrape et il doit rentrer en France en 1936 : malgré l’amnistie promulguée en 1933, il est incarcéré quelques semaines au fort du Hâ à Bordeaux avant d’être autorisé à regagner son village.
A la fin des années 60, des travaux d’historiens sur la Grande Guerre et les mutineries le sortent de l’anonymat où il s’était réfugié : de déserteur, il redevient un héros.
Le 3 juillet 1979, Alain Decaux (qui sera ministre de la Francophonie dans le gouvernement de Michel Rocard en 1988) lui consacre une de ses émissions : « Alain Decaux raconte ». Emu par cette histoire, le 14 juillet, Michel Rocard, alors député des Yvelines, interpelle le ministre de la Défense dans une question écrite.
Le 13 juillet, « France-Soir » avait titré en « une » : « Rendez sa croix de guerre à ce héros de 14-18 » !
Le 15 septembre, dans une réponse lapidaire à Michel Rocard, le ministre de la Défense clarifie la situation du caporal Vincent Moulia :
Et le 11 novembre, il retrouve, des mains d’un des poilus les plus décorés de la Grande Guerre, la croix de guerre que sa bravoure dans les combats de Verdun lui avait valu, décoration qu’Alain Decaux avait tenu à lui offrir personnellement.
Jean-François Merle (7/11/2018)