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Quand L'Express construit des histoires croustillantes sur la base de rapports de police non étayés

L’Express a cru pouvoir élaborer une histoire croustillante, reprise sur le site du Point, selon laquelle le PSU (Parti socialiste unifié), à l’époque où il était dirigé par Michel Rocard, aurait été financé par le gouvernement algérien. Ce récit ne repose que sur des notes des services de renseignement (le SDECE à l’époque) ou de la préfecture de police, qu’aucune preuve ni témoignage ne viennent corroborer. L’auteure de l’article prend ces assertions, si l’on ose dire, pour argent comptant, sans les analyser à l’aune du climat politique post-mai 68 où les services de renseignement intérieur ou extérieur nourrissaient les fantasmes du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin contre les « gauchistes », nécessairement instrumentalisés par l’étranger. Elle a pourtant – ce qu’elle omet de préciser – consulté les archives du PSU au Centre Jacques-Sauvageot sans y trouver d’élément pour étayer ces allégations.

La même absence d’analyse critique des sources et de contextualisation se retrouve quand l’article fait référence au prêt de 50.000 F destiné, en 1970, à l’achat du local du PSU rue Borromée, que mentionne Bernard Ravenel dans son livre Quand la gauche se réinventait, et dont il indique que Michel Rocard lui avait dit l’avoir négocié directement avec le président Boumediene. Mais à aucun moment l’auteure ne se pose la question de la vraisemblance et de la crédibilité, entre ce que disent les notes du SDECE et de la préfecture de police sur les circuits financiers (via l’Amicale des Algériens en Europe) et les montants des financements (plusieurs centaines de milliers de francs), et l’hypothèse d’une démarche personnelle de Michel Rocard auprès du pouvoir algérien.

De même, elle reproduit, sans les relever, les incohérences de ces notes, comme la confusion entre le FLN algérien et le FNL sud-vietnamien ou le fait que la Ligue communiste révolutionnaire, très critique du régime Boumediene, aurait pu recevoir des financements algériens.

Les journalistes de L'Express d'aujourd'hui ont-ils oublié ce que fut l'engagement de ses fondateurs contre la guerre d'Algérie et ignorent-ils combien des rapports de police analogues à ceux qu'ils citent ont été utilisés pour justifier des saisies de l'hebdomadaire et des poursuites contre ses rédacteurs à la fin des années 50 et au début des années 60 ? 

Bref, pas plus que la mousse ne fait de la bière, la recherche du buzz ne fait de l’information historique.

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